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Lutte contre le harcèlement scolaire ordinaire

Par VERONIQUE GARDAIR, publié le vendredi 11 novembre 2022 18:33 - Mis à jour le vendredi 11 novembre 2022 18:41
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Au lycée Jacques Ruffié, une approche singulière de ce problème récurrent est proposée aux étudiants de la filière ST2S : « Différents et alors ? » est un projet soutenu par la DILCRAH, porté par l'infirmière du lycée et le professeur de Santé-Social

Jeudi dernier était la journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire. Comment lutter efficacement contre ce fléau alors que les actions se multiplient chaque année et qu’encore un élève sur dix, dit avoir été harcelé à l’école ?

« T’es blonde, t’es plate, t’es trop efféminé, tu fais pitié, sois plus viril, sale arabe, t’es moche, sale richousse, clochard, fille à papa, fille facile, garçon manqué, girafe… » des propos discrimatoires répétés de vive voix ou sur les réseaux sociaux, voilà à quoi ressemble aujourd’hui le harcèlement scolaire.

Au lycée Jacques Ruffié, une approche singulière de ce problème récurrent est proposée aux étudiants inscrits dans la filière des sciences et des techniques de la santé et du social. C’est sous plusieurs angles que le harcèlement scolaire est abordé avec le projet « Différents et alors ? » soutenu par la Direction Interministérielle de Lutte Contre le Racisme l’Antisémitisme et l’Homophobie et porté par l’infirmière du lycée.

En cours de philosophie et de sociologie, des notions-clés pour mieux comprendre ce phénomène et l’analyser avec recul sont étudiées : la construction de l'identité, les normes et les valeurs transmises par la famille, l’école, les amis, le rôle et les stéréotypes véhiculés par chaque groupe et les freins à la cohésion sociale.

A cette occasion, certains étudiants ont témoigné des discriminations, terreau du harcèlement, dont ils ont été témoins : « des paroles de tous les jours, anodines en apparence »  confirme leur professeure, de petites humiliations quotidiennes qui grignotent la confiance en soi et excluent progressivement. Il est fréquent que ces blessures viennent de proches : « j’ai découvert que le harcèlement existe souvent au sein d’un groupe d’amis » s’étonne Pauline, élève au lycée. « ces messages sournois illustrent la zone grise d’une haine ordinaire insidieuse » explique Catherine Blaya, sociologue, directrice de recherches sur les questions de violence à l’école. Bien sûr, beaucoup sont dissimulés sous un éclat de rire : les fameux « c’était une blague, c’est pour rire ou tu n'as pas d’humour » ajoute Lilou I en 1ère ST2S. « Le rire masque la violence des mots » observe leur professeure et « l’humour est souvent une mauvaise excuse qui innocente le harcèlement », conclut Bernadette Pourquié, autrice de théâtre et de littérature jeunesse, partenaire de ce projet.

Cette étape s’est clôturée par un rappel utile à la loi de Sarah Elkahaz juriste réserviste de l'Education Nationale. « J’ai appris que le harcèlement scolaire est répréhensible » confirme Lilou Y impliquée dans ce projet et que « depuis peu, il est reconnu comme un délit pénal qui peut être puni de 10 ans de prison et 150 000 euros d'amende ». 

Puis viennent les rencontres avec l’autrice lauragaise, Bernadette Pourquié. Changement de décor ! On ne convoque plus les concepts mais les émotions : des lectures de ses œuvres et de celles d’écrivains victimes de harcèlement, créent le climat. C’est au tour des jeunes d’écrire en jouant avec la musique des mots, leur colère, leur tristesse, leur solidarité, leur regret, leur empathie.

Ils s’inspirent aussi de la pièce de Sylvain Levay, « Petit Enfer »,  jouée par la Cie Création Ephémère qu’ils découvrent jeudi 17 novembre au théâtre dans les vignes. Elle traite de ces hypocrites non-dits qui enfouissent les secrets et masquent les stéréotypes vecteurs de violentes discriminations.

Enfin, Benoit Drogoul, graffeur plus connu sous son nom d’artiste, Pyrate, accompagnera au printemps les volontaires pour transformer les créations de leurs pairs en fresques murales sous le préau du lycée.